En juin 1987, la Communauté Économique Européenne a lancé le programme Erasmus avec pour objectif de permettre à des jeunes de pays européens d’étudier à l’étranger. Ce fût le début d’un dispositif qui s’est avéré être la continuité parfaite de l’esprit de départ de la construction de l’Europe, à savoir : dessiner des ponts entres les différents pays membres pour encourager la compréhension entre les populations, et pérenniser la paix. 30 ans plus tard, son succès est indéniable : 5 millions de personnes ont vécu l’expérience, développé un réel sentiment de citoyenneté européenne, et étoffé la « génération Erasmus ».

Les débuts: un aperçu concret avec Stéphane Dugast

L’année dernière, nous avions eu la chance d’interviewer Stéphane Dugast à l’occasion des 30 ans du dispositif. Nous ne résistons pas à l’envie de ressortir cet entretien à l’occasion des Erasmus Days !

Lorsque vous avez vécu l’expérience Erasmus, le programme n’avait pas tout à fait 10 ans. A quel point était-il installé dans le paysage universitaire ? Quelle a été la réaction de votre entourage sur votre projet de départ ?
J’ai vécu l’expérience Erasmus lors de l’année scolaire 1995-96. Je venais juste d’intégrer l’IAE de Lille pour y effectuer une maitrise (Master 1) en « Mercatique, Communication & Culture ». Outre un diplôme moins universitaire et plus tourné vers le monde de l’entreprise, cette entité plus professionnelle de l’université Lille 1 offrait un nombre conséquent de places Erasmus rarement pourvues. Il était, en effet, plus facile de partir comme Erasmus à Lille qu’à Nantes mon université d’origine. J’y avais suivi des études de sciences économiques et de gestion mais je n’étais pas parmi les meilleurs de ma promotion. Je n’avais dès lors aucune chance de partir avec Erasmus. Car le processus de sélection, c’était les notes !
Grâce à l’IAE de Lille, j’ai pu partir étudier une année en Irlande, au Waterford Technical College pour y suivre des études marketing. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai appris les bases du marketing. On partait un peu à l’aveuglette, ne bénéficiant que des conseils des anciens. Personne ne vous attendait sur place. Il fallait se loger et ensuite s’adapter. Côté cours heureusement, mon master français et celui irlandais était parfaitement compatible. J’ai choisi d’habiter à 10-15 kilomètres de mon lieu d’étude, soit à Tramore, une station balnéaire pas encore en vogue.
Mon entourage était perplexe. J’avais quitté Nantes, ma ville natale, pour aller étudier à Lille. A peine débarqué « là-haut », je leur annonçais que je partais étudier en Irlande. Mais ils ont compris. Et puis, pour la première fois, je bénéficiais d’une bourse. Je suis rentré en France pour les fêtes de Noël, débarquant en pleine grève en France. Un choc ! Puis je suis retourné en Irlande. Je suis resté toute l’année scolaire à Waterford. J’ai passé et validé ma licence en anglais ce qui m’a forcé à bien travailler. Sans internet à l’époque, ni téléphone portable, l’immersion était à l’époque totale.

Quels ont été les apports de cette expérience et comment ont-ils impacté votre parcours professionnel ? Trouvent-ils toujours écho dans votre vie d’aujourd’hui ?
C’est en Irlande que j’ai appris l’anglais et ses idiomatiques. Je me souviens que, les premières semaines, j’avais affreusement mal à la tête le soir à force d’écouter et de parler anglais. Pour progresser, j’avais adopté la technique du carnet. Je notais tous les mots que je ne connaissais pas dans un carnet et je cherchais leur définition le soir avant d’écrire cette définition dans un autre carnet au classement alphabétique. C’était très fastidieux mais ô combien utile d’autant que j’ai débarqué en Irlande avec un anglais très et trop scolaire. En France, j’ai appris l’anglais en remplissant des textes à trous et en rédigeant des essais en franglais. Je n’avais guère écouté d’anglais, ni vu des films en VO. Bon, les DVD n’existaient pas encore… J’ai fait un Erasmus d’un autre siècle (rires) !
Outre l’apprentissage d’une langue, Erasmus m’a ouvert à une autre culture et à d’autres européens. Sur le campus, il y avait des espagnols, des danois, des italiens et même un anglais considéré comme un Erasmus par les irlandais ! C’est grâce à cette expérience que j’ai pris conscience de l’Europe et de l’ailleurs. Cela m’a donné envie de bouger et de voyager car j’avais côtoyé des irlandais, dont les cousins habitaient l’Alaska, les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie. Le voyage chez mes amis irlandais était consubstantiel à leur existence. Bref, le virus du voyage était inoculé grâce à Erasmus. J’ai passé ma licence comme on disait à l’époque en Irlande avant de suivre une année à Lille. J’ai obtenu mon Master 1 avant de décider de suivre une autre voie, celle du journalisme. Erasmus m’a donc permis d’ouvrir les yeux et les écoutilles.
Cette période Erasmus trouve toujours écho en moi, car elle est fondatrice de ma vie de grand voyageur. Cela reste gravé d’autant que j’avais 21-22 ans à l’époque. J’ai vécu en quelque sorte mon premier véritable voyage initiatique sur une longue durée.

Vous avez co-écrit l’ouvrage « Ils ont fait Erasmus », qui présente 30 portraits d’européens ayant pris part au programme. Avez-vous constaté des similarités ou des différences dans les difficultés auxquelles ont été confrontés les tous premiers bénéficiaires ? Avez-vous noté une évolution notable du programme à travers les récits plus proches dans le temps ?
Après enquête et écriture pour le livre « Ils ont fait Erasmus », je peux affirmer que le programme Erasmus + est devenu plus mature. Tout est plus normé, et surement formaté, mais en même temps il est plus facile de suivre ce programme et d’obtenir en amont des renseignements. Internet, les sites ou les forums vous permettent d’obtenir tous les renseignements pratiques ad hoc pour le logement et la vie pratique. Mais il y a toujours un pas à franchir, celui de quitter son confort douillet pour partir à l’aventure et la découverte d’un pays. Heureusement d’ailleurs !
Le vrai changement pour moi, c’est l’ouverture du programme Erasmus + aux plus jeunes – collégiens et lycéens – au corps enseignants, aux apprentis, aux personnes en situation de handicap ou encore aux personnes en recherche d’emploi. Si j’ose dire, il y en a pour tous les profils et tous les goûts ! Cette richesse des profils m’a surpris en réalisant cette enquête et m’a ragaillardi.
Pour tous les gens interrogés, cette expérience de mobilité a indéniablement changé leur vie. Cela a été un moteur et une ouverture sur les autres. Erasmus est un programme trentenaire qui a su se régénérer. Il a fait naitre chez bon nombre de ses bénéficiaires une conscience citoyenne. Chacun ressent – je pense – mieux sa nationalité tout en appréhendant mieux ce que veut dire être citoyen européen. On sent son dedans et son dehors. Anciens ou nouveaux bénéficiaires Erasmus, on a tous les étoiles du drapeau européen qui brillent dans nos yeux ! Et c’est tant mieux. Car Erasmus, c’est une véritable école pour la vie et même un passeport. Vive Erasmus ! »

D’Erasmus à Erasmus +

Comme expliqué ci-dessus par Stéphane Dugast, Erasmus a beaucoup évolué depuis 1987. L’union européenne a entre temps élaboré d’autres programmes de mobilité tels que le service volontaire européen ou le programme Léonardo. Depuis 2014, ils sont regroupés sous l’appellation Erasmus +, qui désigne l’ensemble des actions de mobilité et de coopération européennes dans les domaines de l’éducation, la formation, le sport et la jeunesse. Erasmus + concerne désormais des profils aussi variés que des collégiens, lycéens, apprentis, formateurs, demandeurs d’emploi, diplômés ou encore personnels administratif et associatif.

Sur le terrain, cela signifie que différents types d’institutions sont concernées, au delà du paysage universitaire. Par exemple à Lyon, la SEPR est une structure qui gère deux centres de formations d’apprentis, un lycée professionnel, une structure de formation continue et un institut privé. Elle offre plus de 200 cursus dans les domaines de l’informatique, la vente, la communication visuelle, l’art et la création, la santé et le social, ainsi que la restauration et la gastronomie. A travers le programme Erasmus +, elle permet aux apprenants de suivre un stage à l’étranger et de perfectionner leurs compétences professionnelles tout en bénéficiant d’une expérience interculturelle. Ainsi en 2015, 510 personnes ont vécu la mobilité internationale en groupe ou de manière individuelle. Elles ont été accueillies dans 13 pays, de l’Allemagne au Canada, et dans 50 entreprises actives dans les domaines d’activité enseignés à la SEPR.

Une question ? N’hésitez pas à me contacter, je serai ravi de vous répondre !

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